Cycle de séminaires :
- 16 Mars – De nouvelles formes managériales et entrepreneuriales ?
- 18 Mai – Enjeux de l’évaluation de la performance et de l’impact social
- 1er Juillet – Les dispositifs collaboratifs à vocation
- 30 Septembre – ESS : évaluation ? L’ESS bousculée et repensée ?
Séminaire 1 – 16 Mars (14h-18h) : De nouvelles formes managériales et entrepreneuriales
Présentation
De nouvelles formes entrepreneuriales et leurs dispositifs collaboratifs cherchent à répondre en se réinventant, aux enjeux actuels suscités par l’urgence écologique et la montée des inégalités. Face au défi écologique, inédit dans l’histoire humaine, et aux problématiques sociales et technologiques, le capitalisme néolibéral a commencé à être remis en question depuis une décennie. Les nouvelles formes de contestation utilisent des dispositifs originaux, éloignées de celles promues traditionnellement par les partis et les syndicats ; Occupy WallStreet, los “Indignados”, la remunicipalisation de l’eau notamment à Naples, l’occupation de la place Taksim à Istanbul, les printemps arabes, le mouvement des Gilets Jaunes, Extinction Rébellion, etc. proposent des critiques acerbes du fonctionnement de l’économie et des entreprises contemporaines (Sitrin & Azzellini, 2014) vers des formes démocratiques “sauvage” (Lefort, 1961) ou “insurgente” (Abensour, 2004).
Paradoxalement, ces mouvements contestataires, voire insurrectionnels, surgissent à une époque de diversification et de profusion de formes organisationnelles alternatives et le retour du concept d’utopie (Bregman, 2017; Picard & Lanuza, 2016) :
– Création de dispositifs gestionnaires socio environnementaux pour les entreprises commerciales : Responsabilité sociale des entreprises/organisations, label B Corp, Entreprise à Mission, l’agrément ESUS, etc.
– Regain d’intérêt pour des formes alternatives d’entreprise et d’entrepreneuriat : retour de la thématique des communs (Coriat, 2010; Dardot & Laval, 2015), renouveau des entreprises de l’économie sociale (SCIC, SCOP), développement d’une économie plurielle (Aznar & Faugère, 1997; Laville & Cattani, 2006) et solidaire (Laville, 2016), forme d’entrepreneuriat social, social business, économie de la fonctionnalité (Gaglio et al., 2011), etc.
– Médiatisation de nouvelles formes managériales post autoritaires (Picard, 2015) : sociocratie, holacratie, entreprises libérées, entreprises opales, etc. portée par des nouveaux gourous du management (Robertson, Laloux, Getz).
Des expérimentations émergent au sein de l’ESS. Elles accentuent cependant les contradictions sous-jacentes et déjà présentes (Draperi, 2010), ce qui entrave aujourd’hui toute tentative de penser une théorie générale de l’économie sociale et solidaire (Draperi, 2012; Hiez & Lavillunière, 2013; Laville, 2016).
En effet, si les discours généraux qui cadrent les doctrines ne sont pas ancrés dans des dispositifs d’action précis ils ont souvent peu d’effets, voire ils se retournent contre l’intention de leurs promoteurs.
Les travaux en sciences humaines et sociales et notamment en sciences de l’information et de la communication (SIC) invitent ainsi à ne jamais séparer la question de l’activité ou de la pratique, celle de la transformation des individus et des collectifs et celle de l’aménagement des milieux d’activités dans leurs dimensions techniques, notamment numérique, spatiale et temporelle. .Ces approches peinent à prendre en considération les travaux qui montrent l’importance de la prise en compte des “effets de dispositifs” (Pernet et al. 2017) pour expliquer les changements de “régime de conversation” qui rendent possible la transition (Zacklad 2020). Ceux-ci s’appuient de manière fortement intriquée sur trois types de dispositifs :
– info-communicationnels matériels, permettant l’accès aux conversations
– signifiants, permettant le partage du sens et de la signification
– narratifs/cognitifs permettant l’engagement dans l’action.
Ainsi la question des pratiques démocratiques qui permettent la constitution de collectifs soudés, par exemple, ne peut pas être séparée des questions de l’asymétrie d’information. Celle-ci est le plus souvent relative aux problèmes à traiter, notamment ceux des métiers et de leurs contraintes comme à ceux de la répartition de la valeur. De même, les enjeux du métier comme ceux des pratiques délibératives ne peuvent être séparés de celles des dispositifs collaboratifs qui permettent le partage des informations et des connaissances comme celui des émotions et de la reconnaissance mutuelle des intervenants. C’est le propre des innovations sociales que de proposer de nouvelles modalités d’action et d’intervention au plan politique, cognitif et pratique.
Cependant, les frontières entre ces pratiques restent aujourd’hui floues et les relations entre les formes alternatives sont encore aujourd’hui peu étudiées par la littérature (un travail sur la RSE au sein de l’ESS a ainsi été initié par le RIUESS).
L’objectif de ce séminaire est d’ouvrir un débat à la fois académique et professionnel :
– Comment ces courants et de ces pratiques entrent ils en relation ?
– Sont-ils complémentaires ou bien contradictoires ? • Par quels dispositifs s’inscrivent-ils dans le réel organisationnel et managérial ?
– Dans quelle mesure de tels dispositifs viennent questionner les conceptions traditionnelles de l’entreprise et de l’organisation du travail ?
– Ces formes peuvent-elles être de véritables sources de transformation ou restent-elles de simples effets de mode ?