Approches dispositives de l’information-communication : appel ATIC

Revue ATIC

Appel à contribution revue ATICNuméro 3-21

Approches dispositives de l’information-communication

Coordination : Caroline Courbières et Vincent Liquète

Caroline Courbières (université de Toulouse 3) – caroline.courbieres @ iut-tlse3.fr

Vincent Liquète (université de Bordeaux) – vincent.liquete @ u-bordeaux.fr

La notion de dispositif peut paraître démodée voire obsolète tant elle a pu être convoquée et diversement redéfinie selon les positionnements des chercheurs dans le champ des sciences de l’information et de la communication (lire SIC). Historiquement, à travers la définition et l’analyse des dispositifs, les SIC se sont partagées le champ autour d’un côté, de l’information-documentation (Fondin, 2002 ; Cotte, 2004 ; Couzinet, 2009), de l’autre, de la communication des organisations (Carayol, 2005 ; Appel, 2010). Le recours au dispositif semblerait toujours recouvrir « des conceptions assez différentes, voire opposées, du rôle de l’information et de la communication dans la société » (Jeanneret, 2005).

Fortement mobilisée depuis des décennies, qu’il soit ainsi question de dispositifs informationnel, communicationnel, info-communicationnels, infocommunicationnels, ou médiatiques, cette notion voit le jour bien plus tôt au début du 17ème siècle en considérant alors un dispositif « comme une partie d’un texte législatif qui statue impérativement » (Pasquier, 1621). A la fin du 18ème, en 1797, le dispositif est présenté comme un « ensemble d’éléments ordonnés en vue d’une certaine fin » (La Pérouse, 2005). Il faut attendre le 20ème siècle et les travaux de Michel Foucault pour que la notion permette d’envisager de facto l’articulation entre l’information et les logiques de communication sous-jacentes. Ainsi, le dispositif au sens foucaldien est un ensemble de « stratégies, de rapports de forces supportant des types de savoir, et supportés par eux » (Foucault, 1994 [1977]). Cet ensemble, nous dit Foucault est « résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions règlementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit, voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments » (Foucault, 1975). Le dispositif, dès lors, peut être considéré comme un marqueur des activités engagées et au-delà des conceptions humaines de la régulation de ces mêmes activités. Réfléchir au dispositif – que cette notion désigne des réseaux, des « systèmes techno-sociaux » (Meyriat, 2006), ou « l’intersection de plusieurs structures » (Greimas, Fontanille, 1991), consiste bien à mener l’analyse critique des modes de production, de circulation et d’interprétation des discours à l’articulation des champs de l’information et de la communication.

Cet appel à contribution souhaite considérer la question de la nécessaire (ré)-actualisation des approches dispositives, visant à repérer la nature des liens entre des éléments hétérogènes qui forment un réseau historiquement situé et répondant à « un impératif stratégique » (Foucault, 1977). Par l’adjectivation du substantif, nous essaierons à travers les diverses contributions de montrer comment les approches dispositives de l’information-communication permettent d’engager des nouvelles réflexions qui cherchent à dépasser la bipolarisation du champ en visant la nécessaire prise en compte de « l’information » et de la « communication ». Toutefois, revendiquer une approche dispositive pour penser l’articulation « information-communication » revient aussi à interroger parallèlement une forme de normalisation des activités et des modes d’organisation. Comme le soulignent Hugues Peeters et Philippe Charlier, le concept de dispositif « est lié à une certaine « vision du monde », il s’articule et participe à la conception d’un modèle, d’un idéal de société. De ce fait, il présente, qu’on le veuille ou non, un certain caractère normatif. ». Les contributeurs à ce numéro devront dès lors questionner l’articulation entre liberté et contraintes des dispositifs choisis.

Le numéro d’ATIC proposé travaillera l’articulation entre information et communication, autour de 4 facettes. Chaque contributeur devra explicitement indiquer quelle facette sera considérée dans son projet d’écriture.

– facette 1 : la matérialité des dispositifs et leurs formes sémiotiques :

Nous nous intéresserons dans cette partie aux formes de matérialité des dispositifs pour saisir les parcours interprétatifs rendus possibles pour les usagers. En explicitant les phénomènes de stéréotypage, les processus de neutralisation ou de naturalisation nous tenterons, à travers les différents espaces sociaux en jeu, d’analyser les langages et les signes qui construisent le mondain (Molinié, 1998).

– facette 2 : les logiques d’activité et de développement inhérentes aux dispositifs :

Dans ce volet, nous tenterons de comprendre les logiques d’usage, au sens de Jacques Perriault (1989) et les pratiques engagées. Les dispositifs seront alors considérés comme des préfigurateurs de l’activité. En modélisant et anticipant les usages effectifs, les contributions rendront compte et apprécieront les écarts entre modélisation et réalité des pratiques engagées. Les activités de documentarisation seront considérées en tant qu’opérations particulières qui visent à permettre la réutilisation du support dans le cadre de transactions ultérieures de la personne avec elle-même ou avec d’autres personnes (Zacklad, 2015).

– facette 3 : les perceptions esthétiques des dispositifs et/ou la conception design des dispositifs :

Selon cette perspective, nous focaliserons sur la plasticité des dispositifs et sur les dimensions esthésiques ou esthétiques qu’ils déploient. Une réflexion sur « l’expérience sensible » (Boutaud, 2007) ou sur « les espaces potentiels » (Belin, 2001), qui articulent le rapport du sujet au monde, permettra également d’approfondir les différents modes de médiation mis en œuvre.

– facette 4 : les modes de valorisation et de circulation des savoirs :

Le dernier aspect que nous développerons concerne les dispositifs liés au domaine de la connaissance. Il s’agira ici de montrer dans quelle mesure les opérations documentaires propres aux systèmes d’organisation des savoirs, en liaison, ou non, avec les (re)configurations de l’information dans les médias numériques, participent de l’élaboration des dispositifs de représentation du social (Jeanneret, 2013) et d’émergence de nouvelles formes de circulation des savoirs.

 Calendrier

  • Date de remise des intentions de communiquer (résumé) : 1er septembre 2021
  • Date de réception des articles complets (se référer à la feuille de style de la revue) : 1er décembre 2021
  • Date de retour aux auteurs : 1er février 2022
  • Date de réception des articles corrigés : 1er mars 2022

Références bibliographiques

Appel, V., Heller T. (2010). « Chapitre 3. Dispositif et recherche en communication des organisations », Appel, Violaine, Hélène Boulanger, et Luc Massou, Les dispositifs d’information et de communication. Concepts, usages et objets. Paris, De Boeck Supérieur, p. 39-57.
Belin, E. (2001). Une sociologie des espaces potentiels. Logique dispositive et expérience ordinaire. Paris, De Boeck Supérieur.
Boutaud, J.-J. (2007). Du sens, des sens. Sémiotique, marketing et communication en terrain sensible », Semen [Online], 23, URL : http://journals.openedition.org/semen/5011.
Carayol, V. (2005). Principe de contrôle, communication et temporalités organisationnelles, Études de communication, 28, p.77-89.
Cotte D. (2004). Le concept de « document numérique », Communication et langages, n°140, 2ème trimestre, p.31-41.
Couzinet, V. (2009). Dispositifs info-communicationnels : questions de médiations documentaires, Paris, Lavoisier.
Fondin, Hubert. La « science de l’information » et la documentation, ou les relations entre science et technique, Documentaliste-Sciences de l’Information, vol. 39, no. 3, 2002, p. 122-129.
Foucault, M. (1975). Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard.
Foucault, M. (1994) [1977]. Le jeu de Michel Foucault, Dits et écrits, T. II., Paris, Gallimard, pp. 298-329 et p. 300.
Greimas, A.J., Fontanille, J. (1991). Sémiotique des passions : Des états de choses aux états d’âme, Paris, Seuil.
Jeanneret, Y. (2005). Dispositif, In Commission nationale pour l’UNESCO, La « société de l’information » : glossaire critique, Paris, La Documentation Française, p.50-51.
Jeanneret, Y. (2013). Faire trace : un dispositif de représentation du social, Intellectica. Revue de l’Association pour la Recherche Cognitive, n°59, 2013/1, p. 41-63.
Lafon, B. (2019). Médias et médiatisation : Analyser les médias imprimés, audiovisuels, numériques. Grenoble, PUG.
La Pérouse, J.-F. (2005). Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole, Paris, La Découverte, 2005.
Meyriat, J. (2006). Pour une compréhension plurisystémique du document (par intention), Sciences de la société, n°68, p.11-28.
Molinié, G. (1998). Sémiostylistique : l’effet de l’art, Paris, PUF.
Pasquier, E. (1621), Les Recherches de la France d’Estienne Pasquier, Paris, L. Sonnius.
Peeters, H., Charlier, P. (1999). Contributions à une théorie du dispositif, Hermès, 25, p.15-23.
Perriault, J. (1989). La logique de l’usage : Essai sur les machines à communiquer. Paris, Flammarion.
Zacklad, M. (2015). « Chapitre 8. Genre de dispositifs de médiation numérique et régimes de documentalité» In Louise Gagnon-Arguin, Sabine Mas, Dominique Maurel, Les genres de documents dans les organisations. Presses universitaires du Québec, p. 145-184.